31.11.2016 | karoo | door Guillaume Sorensen
Les coulisses de l’affaire Dutroux,ce « Grand cirque »
Du 19 au 26 mars 2016 au KVS, Simon De Vos et Mohamed Kacimi ont proposé le Grand Cirque, pièce qui met en scène l’affaire Dutroux. Un spectacle au parti pris évident, mais sincère, dont la démarche fait mouche.
Sur la scène pèse un effroyable capharnaüm d’armoires de bureaux, de rangements à dossiers gris métallique, de photocopieuses débranchées, sur plusieurs mètres de haut et de profondeur. L’enfer bureaucratique reste en premier lieu visuel, puis, petit à petit, toute la mesquinerie, la petitesse, l’inaptitude, la paresse et l’orgueil du système judiciaire belge dépassé et traînant sont dévoilés, disséqués sans ménagement ; le monstre se cachait derrière un bureau et non dans une cave sordide, semble tenter de démontrer la pièce.
La police, la gendarmerie et même le Barreau sont attaqués dans des dialogues affreux de réalisme et cinglants au possible. Entre les services qui dénigrent leurs collègues en fonction de leur lieu d’origine, la recette du lapin aux pruneaux plus essentielle que la disparition d’une enfant, les incompétences à répétition et le dédain pour les familles, sans parler des maladresses, des combats de coqs ensuite, entre la gendarmerie et la police judiciaire ! Par compétition, ils ne partagent pas l’information, se croisent sans s’entraider. Certes, le trait est forcé, mais quand on connaît la vérité, même de loin, une telle rage cruelle envers la justice et son fonctionnement interpelle et saisit aux tripes.
Toute la mise en scène est basée sur le contraste entre des parents bouleversés qui pénètrent de bonne foi dans la folie et la décadence du cirque médiatico-juridique. Les moments d’émotion sont nombreux, notamment un épisode où, désespéré, le père revient d’une fouille pour le moins surprenante : sa femme a vu un voyant qui lui affirme que leur fille est cachée sous un tas de pommes de terre. Peu de temps avant, un gendarme concerné leur rend visite et leur assure, bouffi d’une prétention indécente, que leur fille sera rentrée pour Noël. La mère achète un sapin, pleine d’espoir. Le père rentre ensuite, abattu, il insulte et hurle contre ces dizaines de tas de tubercules qu’il a retournés sans relâche et qui, imperturbables, gardent sa fille prisonnière. Il s’allonge, épuisé, sous le sapin, et dit en substance à sa femme : « Si le Père Noël rapporte ma fille, réveille-moi. »
Le jeu d’acteur est nerveux et rapide du côté des policiers, lent et empli de peine et de colère pour les parents. Les pauses, certaines longueurs cassent quelque peu ce rythme sans apporter grand-chose. Je regretterai quelques longueurs, et des chants d’église, censés marquer le rapport à la mort peut-être, ou les transitions entre les différents points de l’affaire ? J’ai trouvé ce marquage lugubre de l’ordre de la surenchère. Quelque chose de plus discret et de plus silencieux m’aurait paru plus adéquat, plus sobre.
Entre cynisme, noirceur, fatalité, tristesse, la pièce permet de voir l’horreur de la banalité et la banalité de l’horreur. Marc Dutroux n’est jamais rien de plus qu’une rumeur, un certain Marc D. Julie et Mélissa ne sont jamais nommées, leurs supplices jamais décrits ni même mentionnés. La mort et l’immonde rôdent sans apparaître, ce qui apporte une distance et une part de frustration toxique, dérangeante. On ne peut se libérer du mal tant qu’il n’est pas énoncé ou accompli, et cette angoisse permanente étrangle l’esprit et la gorge.
Le sujet est ambitieux, tabou, cicatrise encore dans la mémoire des Belges. (Je me souviens de ma mère et de son inquiétude lorsque mon petit frère disparaissait au rayon vêtements, heureux de se cacher sous les t-shirts.) Je ne peux que saluer la prise d’un tel risque, et la sensibilité avec laquelle le dramaturge a su travailler à partir de cette affaire, de ce traumatisme.Entre cynisme, noirceur, fatalité, tristesse, la pièce permet de voir l’horreur de la banalité et la banalité de l’horreur. Marc Dutroux n’est jamais rien de plus qu’une rumeur, un certain Marc D. Julie et Mélissa ne sont jamais nommées, leurs supplices jamais décrits ni même mentionnés. La mort et l’immonde rôdent sans apparaître, ce qui apporte une distance et une part de frustration toxique, dérangeante. On ne peut se libérer du mal tant qu’il n’est pas énoncé ou accompli, et cette angoisse permanente étrangle l’esprit et la gorge.
Le sujet est ambitieux, tabou, cicatrise encore dans la mémoire des Belges. (Je me souviens de ma mère et de son inquiétude lorsque mon petit frère disparaissait au rayon vêtements, heureux de se cacher sous les t-shirts.) Je ne peux que saluer la prise d’un tel risque, et la sensibilité avec laquelle le dramaturge a su travailler à partir de cette affaire, de ce traumatisme.